vendredi 5 octobre 2012

L'ornementation du bâti

Par Émilie Tanniou

Le promeneur attentif aura remarqué sur les murs de Montréal un véritable bestiaire. Ainsi, le magasin Holt Renfrew à Montréal est orné sur sa façade de nombreux animaux: écureuil, bélier, castor, loutre, lapin et renard. Cet édifice des années 1930 est, et était un magasin de mode. Son ornementation a pour fonction d'indiquer ce que vend la boutique. Il est fort probable que ces animaux indiquent une vente de manteaux et autres article en fourrure. 
Effectivement, "l'ornementation est un élément clé de l'architecture. Qu'elle soit destinée à donner du relief à un édifice ou à attirer l'attention sur certains de ses éléments, elle a généralement pour effet d'en accroître l'attrait. Pour composer des ornements, les créateurs se sont de tout temps inspirés de la figure humaine, des animaux, des feuilles et des fleurs, ou encore des figures géométriques. (...) La modification de la texture des matériaux peut aussi suffire à embellir un édifice."1
Au coin De la Montagne et Sherbrooke
Dans le cas de ce bas-relief (sculpture en saillie) représentant un renard, l'ornementation est représentative du style Art Déco. Ainsi, souvent, les édifices publiques utilisant cette grammaire stylistique indiquent la fonction du bâtiment sur la façade. Comme le dit son nom, il s'agit d'un art décoratif. On note "l'importance tant esthétique qu'historique de l'ornementation (...) la richesse du décor sculpté, trop souvent détruit lors de rénovation ou simplement lors de démolition d'édifices. (...) Époque de construction, style, matériau employé, vocabulaire décoratif: autant d'éléments qui caractérisent chacun des édifices étudiés et définissent leurs particularités architecturales. À travers les époques, chaque architecture illustre un type de construction, de décor et même d'idéal."2

L'ornementation du Holt Renfrew est également présente sur la porte d'entrée 
Les écoles Art Déco utilisent également les bas-reliefs, cette fois pour montrer un petit garçon ou une petite fille en train de lire.

École paroissiale Saint-Augustine, aujourd'hui L'étoile filante, Côte-Saint-Antoine, Notre-Dame-de-Grâce.  
Dernier exemple (car les bas-reliefs sont très nombreux à Montréal), le marché Saint-Jacques. Ses bas-reliefs énumèrent les produits que l'on pouvait acheter dans ce marché couvert. Ici, des produits de la mer, poissons et crustacés.
Amherst coin Ontario
L'ornementation Art Déco, comme celle de l'art nouveau, est totale. Elle est pensée dans les moindres détails. Elle est présente jusque dans l'écriture, dans l’appellation d'un bâtiment. On reconnait ci-dessous, les formes géométriques de l'écriture Art Déco.

Coin Crescent et Sainte-Catherine

Quittons cette fois, l'esthétique Art Déco, pour s'attacher à une ornementation moins évidente à reconnaître car n'étant pas rattachée à un style. Cette ornementation est toutefois tout aussi riche.
Ci-dessous, nous allons moins nous attarder à la représentation de croix ou à la répétition des arcs en plein cintre qu'à l'ornementation créée par le jeu de relief et de retrait des briques, formant des motifs géométriques dans la partie supérieure de cette façade d'un immeuble de la fin du XIXe siècle. 
En effet, "Une partie du traitement de la lumière, de la sélection des textures, des rapports chromatiques, et même spatiaux, et non seulement l'ajout d'éléments picturaux ou sculpturaux en surface, relèvent ainsi de la décoration. En réalité, l'ornementation ne peut être séparée de l'architecture."3
Rue Stanley, entre Sherbrooke et Docteur Penfield
L'ornementation n'a pas cessé avec le modernisme et est encore présente aujourd'hui dans les bâtiments des années 2010. Ici, le bâtiment utilise une ornementation connue et réinventée tout au long du XXe siècle, celle de l'alternance de la brique et de la pierre. La pierre forme des cordons qui indiquent la séparation entre les étages et donne de l'horizontalité au bâtiment. Au contraire, les trois bandes de métal jouent sur la verticalité et sont un clin d'oeil à l 'Art Déco qui utilise beaucoup le chiffre trois et la notion de hauteur. Élément cette fois représentatif de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle, le jeu des cercles, plein ou non, de couleur différente sur le verre. Néo-moderne, cette ornementation utilise cependant le même mécanisme que ceux des deux autres ornementations utilisées, l'idée de répétition d'un motif décoratif. 

Coin Berry et Ontario
L'ornementation est un bon élément de datation d'un édifice. Elle est représentative d'une période, selon les matériaux utilisés, la forme et la fonction qui lui sont donnée. Elle peut également relever d'une esthétique. 
Fragile, elle demande toutefois un entretien constant car lors d'une rénovation, elle est souvent la première à disparaître.


La semaine prochaine: la question de la restauration


1. C. Davidson Cragoe, Comprendre l'architecture. Décoder les édifices et reconnaître les styles, Larousse, 2010

2. Martin Philippe-Côté, " Vieux Montréal: trois décors, trois idéaux", dans Continuité, n°27, 1985, p. 38-39
http://id.erudit.org/iderudit/18403ac

3. Pierre-Richard Bisson,"Le sens du décor", dans Continuité, n°29, 1985, p. 20-21
http://id.erudit.org/iderudit/18110ac


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