lundi 29 octobre 2012

De l'entretien à la démolition, petite typologie des interventions

Par Émilie Tanniou


Montréal offre son lot de bâtiments fatigués par l'usure du temps, rafistolés au petit bonheur la chance, sur lesquels on colle des pansements, comme on soigne une grippe avec des tisanes à la camomille.

D'autres sont entre de bonnes mains. Les propriétaires, sensibles aux qualités architecturales de leur bien, les bichonnent, les entretiennent régulièrement pour éviter une dégradation des matériaux. Lorsqu'aucun changement majeur n'est effectué sur un bâtiment, il s'agit d'une conservation, permise par son bon entretien.

Vient ensuite la restauration qui remplace des parties du bâtiment par d'autres identiques lorsque les premières sont trop endommagées pour être seulement entretenues et conservées.

Les terme de restauration est trop souvent confondu avec celui de rénovation alors que cette dernière implique une intervention lourde sur un bâtiment qui peut transformer son aspect. En effet, une rénovation indique une remise à neuf, peu soucieuse de la patine du temps. Elle peut être brutale et altérer les qualités architecturales d'un édifice.

Au contraire, la restauration répare comme l'indique la Charte de Venise.

"La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques. Elle s'arrête là où commence l'hypothèse, sur le plan des reconstitutions conjecturales, tout travail de complément reconnu indispensable pour raisons esthétiques ou techniques relève de la composition architecturale et portera la marque de notre temps. La restauration sera
toujours précédée et accompagnée d'une étude archéologique et historique du monument"1.


De toutes ces interventions sur le bâti, la transformation est encore plus lourde que la rénovation puisqu'elle donne un autre visage à un édifice. La dernière reste la démolition.

Petite typologie des ces interventions à Montréal :

1. La conservation. Les maisons ci-dessous gardent leur apparence des années 1880, à l'exception de leurs couleurs vives qui participent pourtant à leur mise en valeur. Ici, les proportions de départ sont respectées, elles ne comportent pas d'ajouts. Les matériaux comme la pierre grise et l'ardoise sont entretenus, ils ne présentent pas de fissure ou d'altération. Les vitraux demeurent en l'état, à l'exception de ceux de la maison aux châssis noirs. Les éléments remplacés, si cela a eu lieu, l'ont été par des parties identiques.

Rue Tupper
Rue Tupper

2. L'entretien. Celui-ci permet la conservation des bâtiments. L'opération consiste à nettoyer, à appliquer de la peinture, de l'anti-rouille sur du métal, à vérifier les jointures de ciment entre les briques. La maison donnée en exemple est en très bon état, seule la peinture s'écaille par endroit ce qui est simple à entretenir. Quant au bay-window en cuivre, il présente une oxydation assez avancée, peut-être due à un manque d'entretien. 

Entre la rue Saint-Marc et Saint-Antoine


Entre la rue Saint-Marc et Saint-Antoine

3. La restauration. Lorsque l'entretien ne suffit plus, qu'une partie d'un bâtiment est trop abîmée, la restauration permet de remplacer cet élément par un autre de facture identique. Ci-dessous, une volute en bois, sculptée, décorée est fendue à plusieurs endroits. L'encadrement de la fenêtre pourra être remplacé en partie. Enfin, les maisons présentent des revêtements de toiture fort différents. L'un, en ardoise, est en bon état et correspond à celui d'origine, l'autre est en bardage de bois, recouvert de goudron en mauvais état. Il mériterait d'être remplacé par un revêtement d'ardoise correspondant à celui de la maison mitoyenne, même sans en contenir les motifs. 

Volute sculptée d'encadrement de fenêtre

Entre la rue Saint-Marc et Saint-Antoine

4. La rénovation. La rénovation peut remplacer un matériau par un autre de facture différente. Elle ne respecte pas la facture d'origine d'un bâtiment. Les exemples pour ce cas-ci montrent un revêtement de toit en ardoise remplacé par un revêtement en goudron. La maison, elle, montre que son étage supérieur a été refait, préférant la pierre taillé de manière lisse et de dimension plus importante, à celle bouchardée et d'origine au 1er étage. La rénovation est due à une volonté d'aller au plus vite, sans qu'un savoir-faire important soit nécessairement requis, et de faire des économies en employant des matériaux moins coûteux mais pas nécessairement plus solides.

Rénovation du toit de gauche

Changement de traitement du matériau entre le 1er et le 2 étage

5. La transformation. Elle change radicalement l'aspect d'un bâtiment. Le façadisme est à inclure dans les transformations. Ci-dessous un ajout des années 1970 accolé directement à la façade d'un triplex du début du XXe siècle, masque en partie le bâtiment de départ. Certaines transformations sont plus heureuses. L'entrée très contemporaine en bois s'intègre au bâtiment fin XIXe siècle. Elle n'en camoufle qu'une petite partie.

Au sud de la rue Saint-Catherine, entre Guy et Peel

Au sud de la rue Saint-Catherine, entre Guy et Peel

6. La démolition. Souvent justifiée par un coût moins élevé que celui d'une restauration, la démolition laisse parfois derrière elle des éléments qui seront réutilisés, comme une façade, ou donne des indications sur le bâtiment disparu, tels que des calorifères en fontes et des emplacements de poutres ayant servi de fondation.

Rue Saint-Catherine ouest

Boulevard Saint-Laurent, entre Sainte-Catherine et René Lévesque

Finalement la question de la bonne conservation d'un bâtiment est liée à celle du coût qu'elle entraîne mais aussi à l'intérêt qu'a un propriétaire pour son bâtiment. L'achat d'un édifice possédant plusieurs qualités architecturales n’apparaît alors pas comme une bonne idée si le propriétaire n'y voit que peu d'intérêt. Un bâtiment plus simple semble davantage convenir et permet d'éviter la perte d'éléments patrimoniaux.


La semaine prochaine: la reconversion du patrimoine religieux


1.CHARTE INTERNATIONALE SUR LA CONSERVATION ET LA RESTAURATION DES MONUMENTS ET DES SITES (CHARTE DE VENISE 1964). IIe Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, Venise, 1964. Adoptée par ICOMOS en 1965. 

http://www.international.icomos.org/charters/venice_f.pdf

dimanche 21 octobre 2012

Patrimoine, conservation, restauration: quelques jalons

Par Émilie Tanniou

 Le premier sentiment de l’homme fut celui de son existence, le second celui de sa conservation [1]

La conservation comprend notamment celle des objets qui l’entourent. Il s’agit de garder en bon état ce qui laisse une trace d’un peuple.

La conservation désigne le fait de conserver, de maintenir intact ou en bon état 3]. Il s’agit d’une opération indispensable à la survie d’une œuvre. Elle consiste en l’élimination de la cause et du produit de l’altération puis le renforcement, la consolidation des supports, le refixage des couches picturales et enfin la protection préventive[4] du patrimoine. 

Le patrimoine évoque depuis le XIIe siècle l’héritage du père (patrimonium en latin) et, depuis la fin du Moyen-âge et le début du XIXe siècle, l’héritage reçu des ascendants. Le terme renvoie à la famille, mais il peut être pris aussi au sens national, celui d’une grande famille. La notion est alors propre à un pays, puisque le patrimoine national consiste en une sélection de trésors nationaux, choisis parmi les œuvres produites dans ce pays[5]. Finalement, le mot patrimoine tel qu’il est utilisé aujourd’hui s’élabore pendant les Lumières et acquiert une force juridique au cours du XIXe siècle[6]. Il se définit alors par « la réalité physique de ses objets, par la valeur esthétique et documentaire (…) mais aussi illustrative, voire de reconnaissance sentimentale, que leur attribue le savoir commun. Il relève de la réflexion savante et d’une volonté politique, sanctionnées toutes deux par l’opinion. (…) il fonde une représentation de la civilisation »[7].
C’est ainsi que le XIXe siècle, en voyant s’affirmer le nationalisme, participe parallèlement à la mise en valeur du patrimoine national.

La restauration naît en même temps que le concept de monument historique. Avant, la maintenance, soit l’entretien et la restauration, allait de pair avec un nouvel usage du bâtiment et pouvait entraîner une altération et une transformation. Sauf exception, la question de la fidélité à l’état originel de l’édifice à restaurer n’était pas évoquée. La question est posée pour la première fois, avec une conscience des implications théoriques, en Grande-Bretagne, à la fin du XVIIIe siècle. La forme visée est une alternative à la conservation en l’état et à la restauration[8]. Le mot restauration a ensuite été employé de façon générique. Il reprend donc diverses formes d’intervention, plus ou moins lourdes, apportées à l’édifice telles que définies dans la Charte de Venise de 1964, comme la conservation et l’entretien[9]
Aujourd’hui, la définition de cette opération a lieu par rapport à la conservation, autre terme de l’alternative. La restauration est alors une opération complémentaire, qui touche à l’aspect de l’objet, visant la réintégration des lacunes, des retouches, afin de viser la restitution, de redonner sens à l’objet et d’améliorer sa valeur esthétique. Elle vise aujourd’hui à mettre en valeur les matières originales.

L’usage des langues étrangères pour désigner la restauration ou la conservation montre les limites assignées à leur signification respective. Pour dire restaurateur, l’anglais utilise le mot conservator. En allemand, Konservierung  désigne la conservation et  Restaurierung, la restauration. L’italien donne un sens presque exclusif du mot restauro[10]. Les notions de restauration et de conservation sont donc parfois regroupées sous le même terme, ce qui montre que les deux concepts peuvent se rejoindre fortement. Les deux actes apposés au monument visent finalement à pérenniser le bâti en question, la restauration étant alors perçue comme une manière de conserver le patrimoine. 

Souci de conservation dans le Mile carré doré


La semaine prochaine: "Rénovation, restauration et transformation à Montréal"



[1] Germain Bazin, « La conservation des œuvres d’art » dans Encyclopedia Universalis, Paris, Encyclopedia Universalis France, 2002, p. 328.
[2] Piero Gazzola, « la restauration des œuvres d’art » dans Encyclopedia Universalis, p.839.
[3] « Conservation » dans Le nouveau petit robert 2010
[4] Op. cit, p.839.
[5] Jean-Pierre Mohen, Les sciences du patrimoine. Identifier, conserver, restaurer, Paris, Éditions Odile Jacob, 1999, p. 16.
[6] Idem, p. 36.
[7] Dominique Poulot, Une histoire du patrimoine en Occident, Paris, Presses Universitaires de France, 2006, p. 4-5.
[8] Françoise Choay, « Prélude », dans Camillo Boito, Conserver ou restaurer. Les dilemmes du patrimoine, Besançon, Les éditions de l’imprimeur, 2000, p. 11.
[9] Françoise Boelens-Sintzoff, « restaurations » dans Christian Bordiaux (dir), L’église Notre-Dame du Sablon, Bruxelles, Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, Direction des monuments et des sites, 2004, p. 13.
[10] Piero Gazzola, « la restauration des œuvres d’art », p. 839.

dimanche 14 octobre 2012

Brève histoire de la restauration au XIXe siècle

Restaurer ou ne pas restaurer, là est la question. Il y a t-il plus de noblesse d'âme à subir l'érosion et les éboulements de la fortune outrageante, ou bien à s'armer contre une mer d'éboulements et à l'arrêter par une restitution?


Au XIXe siècle, la restauration, alors une discipline nouvelle, s’appuie sur différentes théories.
Le concept de restauration est né en Europe dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Il procède du rationalisme des Lumières et du pré-romantisme. Mais c’est au XIXe siècle qu’apparaît réellement l’intérêt pour cette discipline.

Parallèlement au développement de la conscience historique naît une nouvelle attitude envers l’œuvre d’art. Celle-ci est perçue pour la première fois dans une perspective historique, comme témoin de l’activité humaine qui s’est manifestée à un moment donné et qui, en tant que tel doit être conservée. La restauration se pose alors comme une discipline scientifique et non plus comme une pratique artisanale de la refaçon[1]. Les restaurations architecturales sont alors parfois liées au contexte historique de l’éveil du nationalisme qui correspond à un besoin d’adhérer au passé et à une volonté de sauvegarder les monuments comme symbole du prestige culturel de la nation. En effet, le concept de restauration naît en même temps que celui de patrimoine national. Le patrimoine architectural est pris en compte et la problématique de la restauration est discutée pour la première fois. Auparavant, la restauration, très rare, n’est envisagée que dans des circonstances exceptionnelles. La préférence allait à la réparation, la rénovation, la reconstruction et la démolition. Puis, des travaux s’imposent pour rendre son prestige à un témoin du passé de manière à ce que le lieu (ville, région, pays) où se tient le bâtiment puisse s’en enorgueillir. L’idée est de restituer l’unité stylistique « d’origine ». Seule prime la représentation idéale que l’on se fait d’un bâtiment même si elle permet l’adjonction d’éléments qui peuvent n’avoir jamais existé. Cette démarche est courante à l’époque[4]

Puis, au milieu du XIXe siècle, la nouvelle conception des bâtiments mène à l’analyse des constructions et des formes des monuments historiques. Les monuments sont mesurés en détail, comparés entre eux, classés et parallèlement l’archéologie du bâti se développe[5]. En outre, le développement de la philosophie de la restauration au XIXe siècle a lieu parallèlement à la revalorisation de l’architecture médiévale, alors importante. 
Deux théories contradictoires priment, soit la restauration dans le style de Viollet-le-Duc en France et le refus de la restauration de Ruskin en Grande-Bretagne. 


Pour Viollet-le-Duc, la restauration correspond à une restitution des parties manquantes dans le style original de l’œuvre. Pour cela, il se base sur une étude typologique des monuments de la même époque et de la même région, il élabore une grammaire de formes à appliquer par analogie à un édifice à restaurer. Il croit à l’unité de style d’un monument et il veut la retrouver quitte à « rétablir l’édifice dans un état qui peut même n’avoir jamais existé »[6]. Les conseils de Viollet-le-Duc incitent les architectes restaurateurs à intervenir sur un bâtiment historique et à le rendre méconnaissable, à faire émerger une image idéalisée. De plus, la restauration se fait sur la base d’un état existant et déjà transformé de l’édifice. Ainsi, des parties sont retirées par conviction qu’elles n’étaient pas en place dès le début et sont remplacées par des éléments qui auraient pu exister à l’origine. Il s’agit alors de finir, de parachever, l’édifice[7]


A contrario, Ruskin envisage la création comme un moment unique[9] et puisqu’il est soucieux de ne pas porter atteinte à la continuité entre le passé et le présent, il préconise la permanence. Pour lui, la lisibilité de l’âge de l’édifice doit être garantie pour préserver son intégrité[10]. L’œuvre d’art ne peut être renouvelée, corrigée, complétée sinon il s’agit d’une falsification. Dans sa conception, il importe de conserver seulement. Il écrit « prenez soin de vos monuments et il ne sera pas nécessaire de les restaurer ». 

Sont également prises en compte les théories de Pugin qui réévaluent l’art gothique comme un symbole de l’art chrétien. Dans son livre les vrais principes de l’architecture ogivale ou chrétienne, l’architecte veut faire revivre l’art gothique selon les principes mêmes de sa construction au Moyen-âge[12]. Car au XIXe siècle, le Moyen-âge, en tant que modèle à matérialiser dans l’architecture exerce une influence sur l’art de bâtir et se traduit par une vague de restauration de l’architecture chrétienne. La restauration correspond alors à la remise à l’honneur de concepts architecturaux, de formes du Moyen-âge et à la revalorisation de l’étude et de la restauration des constructions gothiques[13]. Il s’agit, dans le but de donner une légitimité à la nation, de faire remonter son histoire le plus loin possible et notamment jusqu’au Moyen-âge, période qui symbolise l’art chrétien par excellence. 
Cette théorie trouve un écho en Amérique du Nord, notamment à travers le succès de la construction d’édifices néo-gothiques.

Église néo-gothique, inspirée du gothique tardif (XIV-XVe), coin Sainte-Catherine et Lamontagne

Ainsi, la restauration interventionniste reflète la théorie française et l’entretien et la pérennisation de la fonction du bâtiment la théorie britannique.

La restauration à Montréal puise à cette époque dans ces deux influences.


La semaine prochaine: "Patrimoine, conservation, restauration : définitions"




[1] Catheline Périer-D’Ieteren, La restauration en Belgique de 1830 à nos jours, peinture, sculpture, architecture, Liège, Pierre Mardaga, 1991, p. 9.
[2] Idem, p. 10.
[3] Jacques Stiennon (dir), L’architecture, la sculpture et l’art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du livre, 1995, p. 284.
[4] Griet Meyfroots, « la commission royale des monuments et la restauration de l’église aux XIXe et XXe siècles », dans Christian Bordiaux (dir), L’église Notre-Dame du Sablon, Bruxelles, Ministère de la Région de Bruxelles-Capitale, Direction des monuments et des sites, 2004, p. 60.
[5] Françoise Dierkens-Aubry, Jos Vandenbreeden, Le XIXe siècle en Belgique. Architecture et intérieurs, Bruxelles, Édition Racine, 1994, p. 59.
[6] Catheline Périer-D’Ieteren, La restauration en Belgique de 1830 à nos jours…, p. 133.
[7] Françoise Dierkens-Aubry, Jos Vandenbreeden, Le XIXe siècle en Belgique, p. 60.
[8] Éric Hennaut, La Grand place de Bruxelles, Bruxelles, Région de Bruxelles-capitale, 2000, p. 35.
[9] Catheline Périer-D’Ieteren, La restauration en Belgique de 1830 à nos jours…, p. 133.
[10] Françoise Dierkens-Aubry, Jos Vandenbreeden, Le XIXe siècle en Belgique, p. 60.
[11] Op. cit., p. 133.
[12] Idem, p. 138.
[13] Françoise Dierkens-Aubry, Jos Vandenbreeden, Le XIXe siècle en Belgique. Architecture et intérieurs, Bruxelles, Édition Racine, 1994, p. 57.

vendredi 5 octobre 2012

L'ornementation du bâti

Par Émilie Tanniou

Le promeneur attentif aura remarqué sur les murs de Montréal un véritable bestiaire. Ainsi, le magasin Holt Renfrew à Montréal est orné sur sa façade de nombreux animaux: écureuil, bélier, castor, loutre, lapin et renard. Cet édifice des années 1930 est, et était un magasin de mode. Son ornementation a pour fonction d'indiquer ce que vend la boutique. Il est fort probable que ces animaux indiquent une vente de manteaux et autres article en fourrure. 
Effectivement, "l'ornementation est un élément clé de l'architecture. Qu'elle soit destinée à donner du relief à un édifice ou à attirer l'attention sur certains de ses éléments, elle a généralement pour effet d'en accroître l'attrait. Pour composer des ornements, les créateurs se sont de tout temps inspirés de la figure humaine, des animaux, des feuilles et des fleurs, ou encore des figures géométriques. (...) La modification de la texture des matériaux peut aussi suffire à embellir un édifice."1
Au coin De la Montagne et Sherbrooke
Dans le cas de ce bas-relief (sculpture en saillie) représentant un renard, l'ornementation est représentative du style Art Déco. Ainsi, souvent, les édifices publiques utilisant cette grammaire stylistique indiquent la fonction du bâtiment sur la façade. Comme le dit son nom, il s'agit d'un art décoratif. On note "l'importance tant esthétique qu'historique de l'ornementation (...) la richesse du décor sculpté, trop souvent détruit lors de rénovation ou simplement lors de démolition d'édifices. (...) Époque de construction, style, matériau employé, vocabulaire décoratif: autant d'éléments qui caractérisent chacun des édifices étudiés et définissent leurs particularités architecturales. À travers les époques, chaque architecture illustre un type de construction, de décor et même d'idéal."2

L'ornementation du Holt Renfrew est également présente sur la porte d'entrée 
Les écoles Art Déco utilisent également les bas-reliefs, cette fois pour montrer un petit garçon ou une petite fille en train de lire.

École paroissiale Saint-Augustine, aujourd'hui L'étoile filante, Côte-Saint-Antoine, Notre-Dame-de-Grâce.  
Dernier exemple (car les bas-reliefs sont très nombreux à Montréal), le marché Saint-Jacques. Ses bas-reliefs énumèrent les produits que l'on pouvait acheter dans ce marché couvert. Ici, des produits de la mer, poissons et crustacés.
Amherst coin Ontario
L'ornementation Art Déco, comme celle de l'art nouveau, est totale. Elle est pensée dans les moindres détails. Elle est présente jusque dans l'écriture, dans l’appellation d'un bâtiment. On reconnait ci-dessous, les formes géométriques de l'écriture Art Déco.

Coin Crescent et Sainte-Catherine

Quittons cette fois, l'esthétique Art Déco, pour s'attacher à une ornementation moins évidente à reconnaître car n'étant pas rattachée à un style. Cette ornementation est toutefois tout aussi riche.
Ci-dessous, nous allons moins nous attarder à la représentation de croix ou à la répétition des arcs en plein cintre qu'à l'ornementation créée par le jeu de relief et de retrait des briques, formant des motifs géométriques dans la partie supérieure de cette façade d'un immeuble de la fin du XIXe siècle. 
En effet, "Une partie du traitement de la lumière, de la sélection des textures, des rapports chromatiques, et même spatiaux, et non seulement l'ajout d'éléments picturaux ou sculpturaux en surface, relèvent ainsi de la décoration. En réalité, l'ornementation ne peut être séparée de l'architecture."3
Rue Stanley, entre Sherbrooke et Docteur Penfield
L'ornementation n'a pas cessé avec le modernisme et est encore présente aujourd'hui dans les bâtiments des années 2010. Ici, le bâtiment utilise une ornementation connue et réinventée tout au long du XXe siècle, celle de l'alternance de la brique et de la pierre. La pierre forme des cordons qui indiquent la séparation entre les étages et donne de l'horizontalité au bâtiment. Au contraire, les trois bandes de métal jouent sur la verticalité et sont un clin d'oeil à l 'Art Déco qui utilise beaucoup le chiffre trois et la notion de hauteur. Élément cette fois représentatif de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle, le jeu des cercles, plein ou non, de couleur différente sur le verre. Néo-moderne, cette ornementation utilise cependant le même mécanisme que ceux des deux autres ornementations utilisées, l'idée de répétition d'un motif décoratif. 

Coin Berry et Ontario
L'ornementation est un bon élément de datation d'un édifice. Elle est représentative d'une période, selon les matériaux utilisés, la forme et la fonction qui lui sont donnée. Elle peut également relever d'une esthétique. 
Fragile, elle demande toutefois un entretien constant car lors d'une rénovation, elle est souvent la première à disparaître.


La semaine prochaine: la question de la restauration


1. C. Davidson Cragoe, Comprendre l'architecture. Décoder les édifices et reconnaître les styles, Larousse, 2010

2. Martin Philippe-Côté, " Vieux Montréal: trois décors, trois idéaux", dans Continuité, n°27, 1985, p. 38-39
http://id.erudit.org/iderudit/18403ac

3. Pierre-Richard Bisson,"Le sens du décor", dans Continuité, n°29, 1985, p. 20-21
http://id.erudit.org/iderudit/18110ac