lundi 14 janvier 2013

Le marché Saint-Jacques (suite)

Par Émilie Tanniou

Un lieu dédié à des combats de boxe transformé en encan d'art contemporain, voilà ce en quoi peut consister une réhabilitation, ici celle du marché Saint-Jacques.

En effet, l’état des édifices publics dont les bâtiments Art Déco comme le marché Saint-Jacques pose des questions particulières. 

L'édifice public, par sa nature et sa fonction, est le reflet des aspirations politiques et sociales de l’époque. À la recherche d’un prestige et d’une visibilité, ce type de bâtiment se démarque souvent par une taille et une échelle imposantes ou encore une décoration élaborée. Le choix du site et l’implantation du bâtiment ont toute leur importance puisque ce type de bâtiment se ménage des reculs sous forme de places ou de parterres.L’édifice public ponctue l’espace urbain en se détachant du tissu vernaculaire, souvent plus resserré. Il structure ainsi la trame urbaine et constitue un point de repère et d’orientation majeure. Il est en outre associé à la mémoire collective 1.

Le marché Saint-Jacques répond à cette définition et ainsi aux questions de la réhabilitation de ce type de bâtiment. Effectivement, ces bâtiments soulèvent des questions quant à leur réhabilitation notamment à cause de leur taille, liée à leur fonction d'origine de bâtiment public, mais parfois guère adaptée aux besoins d'aujourd'hui.


Le marché Saint-Jacques vers 1955, archives de la Ville de Montréal

Les problèmes posés sont aussi liés à des questions à la fois quantitatives et qualitatives. En effet, ces édifices sont nombreux à Montréal or on assiste à une période de désengagement des actions publiques de conservation des secteurs lourds du point de vue financier. Il est donc rare que ces bâtiments contiennent encore des intérieurs d’époque intéressants car ils sont soit fonctionnels et sans grand intérêt artistique dès la construction, soit altérés avec le temps.
Ainsi, ce patrimoine spécifique pose de nombreux défis. Des efforts sont à fournir concernant la connaissance et la documentation, l’inventaire extensif de cette architecture, son étude historique en profondeur, l’éducation du public car souvent la valeur de cette architecture est non reconnue et enfin la restauration-réhabilitation de ces édifices 2.

Cette question de la réhabilitation passe par le fait de retrouver une activité après une période d'absence d'occupation d'un bâtiment ou d'une partie d'un bâtiment. Dans le cas du marché Saint-Jacques, les activités ont été multiples. En effet, elles comprennent diverses distractions rassembleuses dont des combats de boxe!


Activité communautaire au marché Saint-Jacques. Archive du ministère de la culture
Au premier étage. Archives nationales du Québec
Combat de boxe au marché. Archives nationales du Québec

Aujourd'hui l'imagination est toujours à l'oeuvre dans l'aménagement du lieu. Si le rez-de-chaussée garde son activité première de marché, le deuxième étage abrite désormais un lieu d'encan silencieux spécialisé dans l'art contemporain montréalais. La grande surface de cet espace convient tout à fait à un lieu d'exposition. Toutes les oeuvres sont exposées en tout temps. Le principe consiste, pour l'acheteur, à écrire à côté de l'oeuvre choisie le montant qu'il est prêt à dépenser pour l'acquérir. À la fin de la période d'exposition, l'oeuvre va au plus offrant.

Il ne reste plus qu'à trouver une occupation innovante pour le premier étage du marché Saint-Jacques, toujours vide, pour rendre la réhabilitation du marché Saint-Jacques vraiment intéressante.


1. Serge Carreau et Perla Korosec-Serfati (dir), le patrimoine de Montréal : document de référence, Québec, Ministère de la Culture et communications, Montréal, Ville de Montréal, 1998, p. 81.
2. France Vanlaethem, « L’architecture Art Déco à Montréal » dans ICOMOS Canada, Actes du colloque, « Art Déco de France et du Canada » : 18 et 19 novembre 1994, Ottawa, ICOMOS Canada, 1995, p. 66-67. 
3. Martin Droin, Le combat du patrimoine à Montréal (1973-2003), Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2005, p. 204.

samedi 5 janvier 2013

L'Art Déco

Par Émilie Tanniou

Le symbole de l'architecture Art Déco à Montréal est l'Université de Montréal, pensée par l'architecte Ernest  Cormier. Sa tour évoquant le gratte-ciel, la verticalité de ses lignes et l'assemblage géométrique des diverses parties du bâtiment relèvent de cette esthétique si répandue dans la métropole. 
Ce style ne peut toutefois être résumé à ce seul bâtiment.

L'Art Déco est caractéristique de l'entre-deux-guerres. Succédant à l'Art Nouveau, il peut être considéré comme le dernier art décoratif.
Dès 1905, des traits précurseurs de ce style apparaissent dans les œuvres des Autrichiens Joseph Hoffman et Adolphe Loos. L’intérêt pour l’Art Déco atteint ensuite son apogée en France en 1925 lors de l’exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris.
L’architecture Art Déco est caractérisée par une importance accordée à la pureté des lignes, la richesse des matériaux ainsi qu’à l’utilisation de motifs géométriques. 


Caserne de police et de pompier rue Maisonneuve angle Saint-Mathieu. Le bâtiment utilise la géométrie dans ses lignes droites, ses formes angulaires
La décoration de la caserne utilise également la géométrie

Les Etats-Unis adoptent rapidement ce style architectural 1. À Montréal, les styles architecturaux suivent de près les tendances américaines. Dans la deuxième moitié des années 1920, le style Art Déco est appliqué à un large éventail de bâtiments. 


Rue Sherbrooke angle Côte-des-neiges. Les banques font appel à la symétrie et la régularité de l'Art Déco

Lors de la construction de nouveaux bâtiments ou de la restauration d’édifices existants, l’Art Déco est généralement choisi. Ce style est généralement adopté pour divers projets de construction publique à l’échelle municipale, provinciale et fédérale.
Au cours de ces années, l’architecture Art Déco de Montréal est caractérisée par une verticalité prononcée des édifices de toutes tailles. 


La verticalité du Marché Saint-Jacques rue Ontario angle Amherst fait écho à celle du marché Atwater et à celle de l’Université de Montréal

Le style se compose aussi par un agencement ou une composition symétrique des éléments architecturaux tels que les portes, les fenêtres et l’ornementation. 


Rue Crescent angle Saint-Catherine. L'ornementation passe aussi pas une calligraphie Art Déco

L’Art déco est surtout marqué par des motifs décoratifs disposés afin d’accentuer la symétrie de la construction. L’élément clé est la juxtaposition de matériaux contrastants, tels que la brique et la pierre.


L'école Notre-Dame-de-Grâce, située sur le Chemin de la Côte-Saint-Antoine,  est un exemple de ces bâtiments publics  qui alternent l'utilisation de la brique et de la pierre


Effectivement, l’Art Déco est attiré par les contrastes 2. Les bâtiments publics sont faits de matériaux économiques dont la brique, à laquelle on ajoute des éléments de décoration contrastants 3.
La couleur des bâtiments un élément important. Il exprime le désir de luxe et de raffinement de l’Art Déco. Les couleurs claires sont privilégiées pour leur qualité de légèreté et de finesse par rapport aux couleurs sombres. En effet, plus la couleur est pâle et plus elle accroche la lumière et l’œil en faisant ressortir l’ornementation. La construction prend alors de l’ampleur 4.

L'architecture Art déco est fort répandue à Montréal. Présente dans tous les quartiers, elle montre les prémisses de l'architecture moderniste à venir.



1. Lori D. Allen, L’Art Déco à Montréal, Montréal, Musée des Beaux-arts de Montréal, 1991, p. 9.
2. Jean-Pierre Duchesne, L’ornementation architecturale Art Déco à Montréal, 1925-40, Mémoire de M.A Histoire de l’art, Université Concordia, Montréal, 1990,  p. 76. 
3. Nicole Gilbert, Présence de l’Art Déco dans l’architecture montréalaise, Maîtrise de M.A, UQAM, Montréal, 1989, p. 281.
4. Nicole Gilbert, Présence de l’Art Déco, p. 280.