Montréal offre son lot de bâtiments fatigués par l'usure du temps, rafistolés au petit bonheur la chance, sur lesquels on colle des pansements, comme on soigne une grippe avec des tisanes à la camomille.
D'autres sont entre de bonnes mains. Les propriétaires, sensibles aux qualités architecturales de leur bien, les bichonnent, les entretiennent régulièrement pour éviter une dégradation des matériaux. Lorsqu'aucun changement majeur n'est effectué sur un bâtiment, il s'agit d'une conservation, permise par son bon entretien.
Vient ensuite la restauration qui remplace des parties du bâtiment par d'autres identiques lorsque les premières sont trop endommagées pour être seulement entretenues et conservées.
Les terme de restauration est trop souvent confondu avec celui de rénovation alors que cette dernière implique une intervention lourde sur un bâtiment qui peut transformer son aspect. En effet, une rénovation indique une remise à neuf, peu soucieuse de la patine du temps. Elle peut être brutale et altérer les qualités architecturales d'un édifice.
Au contraire, la restauration répare comme l'indique la Charte de Venise.
"La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques. Elle s'arrête là où commence l'hypothèse, sur le plan des reconstitutions conjecturales, tout travail de complément reconnu indispensable pour raisons esthétiques ou techniques relève de la composition architecturale et portera la marque de notre temps. La restauration sera
toujours précédée et accompagnée d'une étude archéologique et historique du monument"1.
De toutes ces interventions sur le bâti, la transformation est encore plus lourde que la rénovation puisqu'elle donne un autre visage à un édifice. La dernière reste la démolition.
Petite typologie des ces interventions à Montréal :
1. La conservation. Les maisons ci-dessous gardent leur apparence des années 1880, à l'exception de leurs couleurs vives qui participent pourtant à leur mise en valeur. Ici, les proportions de départ sont respectées, elles ne comportent pas d'ajouts. Les matériaux comme la pierre grise et l'ardoise sont entretenus, ils ne présentent pas de fissure ou d'altération. Les vitraux demeurent en l'état, à l'exception de ceux de la maison aux châssis noirs. Les éléments remplacés, si cela a eu lieu, l'ont été par des parties identiques.
Rue Tupper |
Rue Tupper |
2. L'entretien. Celui-ci permet la conservation des bâtiments. L'opération consiste à nettoyer, à appliquer de la peinture, de l'anti-rouille sur du métal, à vérifier les jointures de ciment entre les briques. La maison donnée en exemple est en très bon état, seule la peinture s'écaille par endroit ce qui est simple à entretenir. Quant au bay-window en cuivre, il présente une oxydation assez avancée, peut-être due à un manque d'entretien.
Entre la rue Saint-Marc et Saint-Antoine |
Entre la rue Saint-Marc et Saint-Antoine |
3. La restauration. Lorsque l'entretien ne suffit plus, qu'une partie d'un bâtiment est trop abîmée, la restauration permet de remplacer cet élément par un autre de facture identique. Ci-dessous, une volute en bois, sculptée, décorée est fendue à plusieurs endroits. L'encadrement de la fenêtre pourra être remplacé en partie. Enfin, les maisons présentent des revêtements de toiture fort différents. L'un, en ardoise, est en bon état et correspond à celui d'origine, l'autre est en bardage de bois, recouvert de goudron en mauvais état. Il mériterait d'être remplacé par un revêtement d'ardoise correspondant à celui de la maison mitoyenne, même sans en contenir les motifs.
Volute sculptée d'encadrement de fenêtre |
Entre la rue Saint-Marc et Saint-Antoine |
4. La rénovation. La rénovation peut remplacer un matériau par un autre de facture différente. Elle ne respecte pas la facture d'origine d'un bâtiment. Les exemples pour ce cas-ci montrent un revêtement de toit en ardoise remplacé par un revêtement en goudron. La maison, elle, montre que son étage supérieur a été refait, préférant la pierre taillé de manière lisse et de dimension plus importante, à celle bouchardée et d'origine au 1er étage. La rénovation est due à une volonté d'aller au plus vite, sans qu'un savoir-faire important soit nécessairement requis, et de faire des économies en employant des matériaux moins coûteux mais pas nécessairement plus solides.
Rénovation du toit de gauche |
Changement de traitement du matériau entre le 1er et le 2 étage |
5. La transformation. Elle change radicalement l'aspect d'un bâtiment. Le façadisme est à inclure dans les transformations. Ci-dessous un ajout des années 1970 accolé directement à la façade d'un triplex du début du XXe siècle, masque en partie le bâtiment de départ. Certaines transformations sont plus heureuses. L'entrée très contemporaine en bois s'intègre au bâtiment fin XIXe siècle. Elle n'en camoufle qu'une petite partie.
Au sud de la rue Saint-Catherine, entre Guy et Peel |
Au sud de la rue Saint-Catherine, entre Guy et Peel |
6. La démolition. Souvent justifiée par un coût moins élevé que celui d'une restauration, la démolition laisse parfois derrière elle des éléments qui seront réutilisés, comme une façade, ou donne des indications sur le bâtiment disparu, tels que des calorifères en fontes et des emplacements de poutres ayant servi de fondation.
Rue Saint-Catherine ouest |
Boulevard Saint-Laurent, entre Sainte-Catherine et René Lévesque |
Finalement la question de la bonne conservation d'un bâtiment est liée à celle du coût qu'elle entraîne mais aussi à l'intérêt qu'a un propriétaire pour son bâtiment. L'achat d'un édifice possédant plusieurs qualités architecturales n’apparaît alors pas comme une bonne idée si le propriétaire n'y voit que peu d'intérêt. Un bâtiment plus simple semble davantage convenir et permet d'éviter la perte d'éléments patrimoniaux.
La semaine prochaine: la reconversion du patrimoine religieux
1.CHARTE INTERNATIONALE SUR LA CONSERVATION ET LA RESTAURATION DES MONUMENTS ET DES SITES (CHARTE DE VENISE 1964). IIe Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, Venise, 1964. Adoptée par ICOMOS en 1965.
http://www.international.icomos.org/charters/venice_f.pdf
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