Par Émilie Tanniou
Des églises et monastères transformés en condos, en musée, en salle d'exposition d'art contemporain, en centre communautaire ou même en spa. Les changements d'affectation rivalisent d'imagination et d'ingéniosité.
À l'heure de la désaffectation, déjà fort avancée, des lieux de culte, la question de leur reconversion se pose avec de plus en plus d'acuité. Toutefois, si l'on ne peut nier la dimension affective attribuée à un édifice cultuel par ses paroissiens, la reconversion de ces bâtiments est bien plus ancienne que la seule fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle. Ainsi, la Free Presbytarian Church à Montréal, construite en 1848, est transformée en manufacture en 1884. On peut dès lors faire remonter la sécularisation d'un édifice cultuel au XIXe siècle1.
Cependant, les temples protestants et certaines synagogues sont moins difficiles à reconvertir que les églises catholiques car leurs intérieurs sont plus sobres. Les églises sont en revanche largement décorées avec force boiseries, vitraux, statues etc. Or, lors d'une reconversion, le patrimoine mobilier est autant à prendre en compte que le patrimoine immobilier. Une reconversion peut être pensée de manière à ne pas créer une coquille vide. Il est alors plus aisé de transformer une église en restaurant qu'en condos, comme c'est le cas à Glasgow et à Aberdeen, en Écosse. Cette solution permet de garder l' ''oeuvre d'art totale'' 2. Un restaurant peut s’accommoder des différents niveaux, des différents volumes. La chaire, l'autel, le choeur surélevé constituent alors différents espaces, différentes salles qui n'ont pas besoin d'être retirés ou modifiés pour permettre au restaurant de fonctionner.
Petit état des lieux des reconversions à Montréal.
Construit au début du XXe siècle, le monastère dominicain d'inspiration classique, appelé Villa Veritas est reconverti en condos à la fin du XXe siècle. Si son aspect extérieur est parfaitement conservé, nous ne savons pas quelle est l'étendue des transformations à l'intérieur.
Avenue Notre-Dame-de-Grâce |
Nouvelle annexe du Musée des beaux-arts, l'église néo-romane accueille des expositions ce qui lui permet d'être conservée en l'état. De plus, ses vitraux donnent un éclairage particulièrement intéressant aux oeuvres. Seule l'ajout de l'entrée a amené a retirer un pan de mur.
Rue Sherbrooke ouest angle Avenue du Musée |
Le couvent des Soeurs Grises aux allures Second Empire est sur le point d'être reconverti en logement pour étudiants internationaux. Les nombreuses salles de l'édifice devraient permettre cette reconversion sans que d'importants travaux soient nécessaires. Le bâtiment garde finalement sa fonction de dortoir. Or, la pérennité d'une fonction assure la conservation du bâti. L'église devrait devenir une salle d'exposition pour les étudiants en art.
Rue Saint-Antoine |
Plus complexe, la conversion d'une église en spa est un exemple sans précédent au Québec. L'humidité permanente que générera cette activité laisse craindre qu'il ne soit possible de garder le mobilier. Enfin, l'installation de bassins va probablement amener à évider le bâtiment, à avoir recours au façadisme. Cependant, les travaux actuels laissent penser que l'enveloppe extérieure du bâtiment sera bien conservée. Les vitraux et murs arrières sont mis en valeur.
Le seul volume de l'église au vocabulaire néogothique ne suffit pas au projet. Un agrandissement est prévu.
Rue Saint-Denis angle Duluth |
Le mur du pignon de l'église est repeint |
Vitraux d'origine et nouveaux châssis |
Agrandissement de l'église pas la création d'une annexe |
Rue Saint-Denis, angle Duluth |
Au contraire, la conservation intérieure et extérieure du Séminaire des Sulpiciens de style Second Empire passe par sa fonction qui ne s'est jamais interrompue, l'enseignement.
Rue Sherbrooke ouest |
Très coûteuse, la conservation des édifices cultuels pose de nombreux défis. À l'aspect financier s'ajoute le nombre d'églises en difficultés au Québec, autour de 3000 3.
Les exemples de reconversion cités ci-dessus sont donc souhaitables par leur créativité et par leur volonté d'investissement. Reste à ajouter un souci d'intégration de l'intérieur du bâtiment au projet.
Comme possibilité de reconversion tout en gardant la dimension de la conservation, pourquoi ne transformer ces anciens lieux de culte en nouveaux espaces de prières pour d'autres religions? Cette reconversion est celle qui affecte le moins l'intégrité du bâti. De plus, certaines communautés manquent de lieux de prière et éprouvent le besoin d'en construire. Intégrer des églises désaffectées peut être une solution, assurant une continuité dans la fonction cultuelle de l'édifice.
La semaine prochaine: les intérieurs des bâtiments
1. Le patrimoine de Montréal. Document de référence, Gouvernement du Québec. Ministère de la Culture et des Communications, Ville de Montréal, Canada,1998, p. 100.
2. Idem.
3. Caroline Montpetit, "L'entrevue. Vouloir sauver les églises sans se faire d'illusions", Le devoir, 28 juin 2010
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